
(photo n° 01)
Voici un shifter droit Sram X0 pour cassette 8 vitesses (vue de dessous).
UtOpIK me l’a gentiment prêté pour que j’en fasse l’autopsie (chic, une grenouille de laboratoire !

Je retire le capot noir en composite et j’ouvre la bête…

(photo n° 02)
Vu de dessus, le câble part à gauche du shifter (il est retiré sur la photo) et est fixé à son extrémité au disque enrouleur en plastique noir chargé de le maintenir tendu. L’enroulement sur le disque n’est que de quelques mm.
Le disque noir est maintenu par la dent gauche (cachée ici) de la pièce métallique jaune en forme d’arceau. Celle-ci est pourvue de 2 dents, à gauche et à droite.
Le levier en plastique noir à droite sert au changement de vitesse vers les petits pignons.
En appuyant sur le levier noir, la pièce jaune en arceau est poussée à gauche, la dent gauche libère le disque noir qui tourne et se bloque un cran plus loin sur la dent droite de la pièce jaune (visible ici). En relachant le levier noir, la pièce jaune revient dans sa position initiale et bloque de nouveau le disque.
Le câble s’est déroulé d’un cran. On vient de passer une vitesse en passant sur un pignon plus petit.
Cette partie-là fonctionne !
Je retourne le shifter et j’enlève le levier en aluminium qui sert au passage de la chaîne sur les pignons supérieurs, ainsi que la pièce cylindrique en alu qui en est solidaire et qui s’emboite dans le corps du shifter. On met de côté les deux joins métalliques plats, avec précaution (deux ou trois dixièmes de mm d’épaisseur…).

(photo n° 03)
Au fond du corps cylindrique, on voit une fenêtre et derrière, une partie noire qui est le disque enrouleur du câble. Rivé solidairement au disque enrouleur, on apperçoit une pièce métallique jaune qui s’avère être une roue dentée vers l’intérieure...

(photo n° 04)
…et dentée aussi sur le diamètre extérieur.
Les dents extérieures sont celles qui bloquent le disque en rotation sur les deux dents de la pièce jaune en arceau. Elles empêchent le câble de dérailleur de se dérouler (sens antihoraire).
Les dents à l’intérieur servent à tourner le disque noir en sens inverse pour enrouler le câble (sens horaire).
La forme des dents extérieures de gauche et la mobilité de la pièce en arceau qui s'y appuie, permettent au disque de tourner librement dans le sens de l'enroulement du câble sans être bloqué.
Ces dents sont entraînées par un petit ergot, situé en regard des dents de l’autre côté de la fenêtre du corps en alu. Cet ergot est fixé sur le cylindre en aluminium qui a été retiré, lui-même fixé au levier de vitesse en alu qu’on actionne pour le passage vers les grands pignons.

(photo n° 05)

(photo n° 05b)

(photo n° 06)
Je retourne le shifter, après avoir remis en place le cylindre aluminium avec son ergot d’un côté du shifter, et retiré le disque noir enrouleur de l’autre côté.

(photo n° 07)
On voit l’ergot dans la fenêtre en regard de la roue dentée (en position levier de dérailleur poussé au maximum).
On constate que cet ergot pivote autour d’un axe visible sur les photos ci-dessus (n°5, n°6, n°7). L’ergot pivote lorsqu’il passe d’une dent à l’autre (la croix blanche en bas à droite de la photo ci-dessous indique l’axe du pivot).

(photo n° 08 )
En superposant les deux images du cylindre équipé de l’ergot, et de la roue dentée, le mécanisme apparaît simple : lorsqu’on actionne le levier en alu, le cylindre et l’ergot tournent dans le sens anti-horaire, entraînant la roue dentée et enroulant le câble.
En relachant le levier, le ressort de rappel (visible sur la photo n° 3) ramène le cylindre et l’ergot à leur position initiale, l'ergot s'arrêtant à l’autre extrémité de la fenêtre (située à l’horizontale de l’axe du shifter sur les photos n°3 et n°7). Entre chaque dent l’ergot se soulève.
La superposition des images permet de vérifier qu’à chaque cran, l’ergot est bien en prise avec la roue dentée.

(photo n° 09 - animation)
On remarque sur la photo n° 7 ci-dessus, un index rectangulaire sur la droite, constitué d’un fil d’acier. Lorsqu’on actionne le levier noir de changement de vitesse, l'index se déplace vers la gauche jusqu’en partie basse de la fenêtre. L’index est chargé de soulever l’ergot de changement de vitesses lorsque celui-ci est en position de repos, en partie basse de la fenêtre sur la photo n°7.
Ainsi soulevé, l’ergot n’empêche plus la rotation du disque noir et permet le relachement du câble.
Vu comme cela, tout paraît fonctionner normalement! Alors où se trouve le défaut ?
En examinant de plus près l’ergot qui permet les changements de vitesse vers les grands pignons, on constate des traces d’usure sur la face en contact avec les roues dentées, et une légère déformation sur la face extérieure de l’ergot.

(Photo n°10a)

(Photo n°10)

(Photo n°11)

(Photo n°12)

(Photo n°13)

(Photo n°14)

(Photo n°14b)
En regardant également les dents en contact avec l’ergot (les dents internes du disque enrouleur), on constate également une trace de frottement, mais difficilement mesurable !

(photo n° 15)

(photo n° 16)

(photo n° 18 )
Les reflets au pied des dents sont dus à la graisse.
Pour donner une idée de l’échelle et des petites dimensions des surfaces de contact :
- la hauteur des dents fait 2 mm, mais la hauteur de contact, visible sur l’ergot et sur les dents, est d’un peu plus de 1 mm seulement.
- La largeur de l’ergot est de 1,8 mm, mais la surface en contact avec les dents ne porte pas sur toute la largeur, au vu de l’usure, environ la moitié, soit moins d’1 mm.
En conclusion la surface de contact entre ergot et dent est estimée à environ 1mm²…
Tout calcul fait, la pression de contact au niveau de l’ergot pourrait atteindre environ 500 bar, soit à peu près la pression au sol de 2500 personnes de 80 kg sur une seule paire de chaussure taille 43…

En fait l’acier doit pouvoir résister à des pressions bien plus élevées, mais ici il y a usure et l’ergot est bien abîmé, la surface de contact n’est plus plane, elle est arrachée, ça ne peut que se détériorer davantage.
En vissant de nouveau le cylindre en alu directement sur le disque enrouleur, on peut tester manuellement l’entraînement des dents par l’ergot.
On s’apperçoit que l’ergot « dérape » sur les dents, lorsqu’il est en contact de la hauteur supposée après remontage, soit 1mm environ.
En revanche, lorsqu’on visse un peu plus le cylindre pour descendre l’ergot de quelques dixièmes de mm supplémentaires, l’ergot ne dérape plus du tout, le contact entre les pièces a été changé.

(Photo n°19)
A l’origine, la force exercée par les dents sur l’ergot était orientée vers l’axe de rotation de l’ergot, perpendiculairement à la face de contact de l’ergot.
Actuellement, du fait de l’usure, cette face de contact n’est plus plane et la force exercée par les dents sur l’ergot n’est plus orientée vers l’axe mais davantage vers le centre de la pièce, suffisamment pour que l’ergot « dérappe » sur les dents.
A ce stade j’émets trois remarques :
a) Je serais curieux de connaître les tolérances de fabrication des pièces qui permettent à cet assemblage de fonctionner correctement.
b) Je n’ai personnellement jamais rencontré de problème sur le mien (et je ne l’ai pas démonté non plus !) et il semble que nous ayons retrouvé ce problème à une ou deux reprises seulement sur la toile.
c) De là à préférer les changements de vitesse à poignée tournante, il n’y a qu’un pas facile à franchir.
Ici, une petite usure aura suffit, et sans doute un manque de chance aussi (Un choc ? Le maniement involontaire des deux manettes simultanément ? Une fabrication hors tolérance ou dans les limites de la tolérance ?).
Pour le reste, n'étant pas expert, ce shifter me paraît très bien pensé !
Que faire alors pour réparer ?
Je soumets deux solutions à votre sagacité et je donne mon avis :
a) Réusiner la face de l’ergot en contact avec les dents (avec une lime ou de papier abrasif ? autre ?) pour tenter de réorienter l’effort vers l’axe de l’ergot.
Cela pourrait éventuellement être réalisé, mais :
- Sur 1mm, ce n’est pas évident…
- Reprendre une si petite surface dans cet état risque d’accentuer et d’accélérer l’usure.
- De ce fait, et compte tenu des observations réalisées, il paraît difficile d’obtenir une surface parfaitement plane pour réorienter l’effort vers l’axe de l’ergot. La réparation si elle réussit, risque de ne pas faire long feu…De plus, les dents elle-mêmes sont sans doute usées.
b) Relever l’ergot mobile dans le cylindre de quelques dixièmes de mm pour que la hauteur de contact avec les dents soit plus grande. Cela paraît une solution plus appropriée. La photo n°6 montre que l’ergot peut être relevé, à condition :
- De reprendre un peu la forme de la pièce qui fait l’ergot, car il y a deux butées : l’axe de l’ergot (c’est fait exprès) et la courbure de l’ergot dans le cylindre.
- De placer une rondelle entretoise de…quelques dixièmes de mm d’épaisseur, derrière l’ergot au fond du cylindre (moins d’1mm, je pense que 0,6mm d’épaisseur conviendrait. Au-delà il y aurait un risque de contact de l’ergot sur le disque enrouleur. Mieux vaut prévoir plus quitte à roder ensuite l’entretoise si c'est faisable).
- De pouvoir démonter et remonter cet ensemble visiblement monté sous presse avec le roulement à bille, et ce sans outillage spécifique…
Cette deuxième solution proposée, bien qu’apparemment plus adaptée, n’est pas facile non plus.
C’est tout pour le topo, c’était un peu long, je m’en excuse, mais si d’autres idées vous viennent, elles sont bienvenues !

PS : merci à UtOpIK pour son "jouet" !