Aux sources du Gave de Pau, du cirque de Gavarnie à Lourdes

Du haut du col des Tentes (2208 m), notre vrai-faux point de départ (le vrai étant situé hors Parc National), on ne peut nier l'évidence, ce cirque glaciaire de Gavarnie a vraiment de la gueule, tout à la fois imposant, sauvage et majestueux. En ce lieu exceptionnel qui tutoie les sommets, grandeur et immensité du paysage peuvent laisser sans voix.
L'oeuvre du temps, l'érosion dans son ensemble sera notre fil conducteur. Tout au long du périple, nous aurons tout loisir d'observer, in situ, traces et vestiges de cette période glaciaire (usure des roches, points de résistance, verrous, sur-creusement, moraines et dépôts, transport et déplacement de matériaux). Il suffira pour cela, une fois n'est pas coutume, de lever la tête du guidon et d'ouvrir grand ses yeux pour mieux scruter et s'imprégner du paysage.
Le cirque de Gavarnie, partie intégrante du massif du mont Perdu, est depuis 1997 classé au Patrimoine Mondial de l'Humanité (culturel et paysage naturel).
Hugo en son temps magnifia l'endroit, le comparant à « un hippodrome, un théâtre où plusieurs millions d'hommes auraient pu s'asseoir », « C'est une montagne et une muraille tout à la fois : c'est l'édifice le plus mystérieux des architectes ; c'est le colosseum de la nature : c'est Gavarnie » (Dieu 1885, oeuvre inachevée, publication posthume 1891).
Imaginez un demi-arc minéral de plus de 10 km, haut de 1700 mètres, où 16 sommets de plus de 3000 m, émergent tels des sentinelles postées. Du Mont Perdu au Gabiétous, Petit et Grand Astazou (séparés par le couloir Swan), Marboré « sommet - plateau » et son curieux cylindre, Pics de la Cascade, Epaule, Tour, Casque, Taillon, sans oublier la fameuse Brèche de Roland (pour ne citer que les plus connus), l'ensemble parsemé de lambeaux de neiges éternelles qui s'étalent sur de vastes gradins délités.
Au coeur de cet écrin de pierre disposé sur 3 étages, un trait pur jaillit, déferle et s'éclate bruyamment au pied de la muraille : la grande Cascade, 442 mètres, la plus haute d'Europe. Elle prend sa source à l'étang glacé du Mt Perdu, puis résurge dans la grotte Devaux et coule versant nord du cirque. Pour la petite histoire, en 1928, Devaux, scientifique en poste au Pic du Midi, repéra son entrée à la lunette astronomique ... mais l'ouverture avait déjà été entrevue sur le terrain en 1911 par Célestin Passet et R. Des Monts (2 figures marquantes du pyrénéisme moderne).
Au niveau description romantique, Victor ayant fait le boulot, on en restera là ...

Parking du col des Tentes, 2208 m, commune de Gavarnie (coordonnées UTM: 30N 741481E / 4733224N).
VRAI DEPART : LIMITE AVAL DU PARC NATIONAL (coordonnées UTM: 30N 742455E / 4733045N).
Pas d'eau au départ. Points d'eau dans les villages, au hameau de l'Agnouède (lavoir, eau potable du réseau).

Remarques

Deux contraintes majeures :
- Logistique à prévoir pour se faire déposer au col des Tentes (ou récupération en point bas). Autre possibilité, Gavarnie est desservi matin et soir, depuis Lourdes et Luz St Sauveur par une ligne bus SNCF (renseignez-vous sur l'embarquement des VTT !). Le col est à une dizaine de kilomètres du village, vous serez au moins chaud en arrivant avant d'attaquer la descente !!! (c'est ce que nous faisons généralement). Dans ce cas, nuit possible au village (gîte d'étape Le Gypaète, Olivier vous réservera un accueil sympa). Si vous avez un budget peu ou pas limité, l'Hôtel club du Vignemale, face au cirque est vraiment à tomber par terre, grande demeure typée et de caractère (comme sa propriétaire).
- Portage en descente dès la première demi-heure (- 300m), la pratique du VTT est interdite dans le parc National des Pyrénées Occidentales (pas son transport). Pratiquants adultes et responsables, respectueux de la loi (même si pour le coup en ce lieu, elle peut paraître totalement absurde, vu l'impact des troupeaux sur pelouses et sentiers + ravinement naturel). Nous n'utilisons donc pas nos VTT et les transportons sur le dos jusqu'à la limite aval du Parc, 5/10' en dessous de la cabane des Soldats (marque à la peinture d'une tête d'isard rouge sur fond de carré blanc). A partir de là, accrochez bien tout ce qui dépasse, ça risque fort de dépoter.

- Bien que partant d'un point haut, l'itinéraire est du pur VDM.
- Sur les 72 km, 16 sont en goudron soit environ 20%. Le tronçon le plus long, incontournable entre Gèdre et Sia fait 5 km. Sinon courtes séquences sur des routes plutôt en mauvais état, 2 km entre Gèdre et Ayrues, 2 km entre pont de Buret et Ayrues, 2 km entre Viscos et Mourou, puis des broutilles de quelques centaines de mètres et des morceaux de "Coulée Verte").
- Attention aux gros vélos trop lourds (au-delà de 160 mm), les All mountain maxi 140/150 mm seront les vélos les plus adaptés (XC, 120 mm au minimum).

La longueur peut être une difficulté, vous pouvez scinder le périple en deux, à votre guise.
Hébergements à :
- Gèdre: sur l'itinéraire au gîte l'Escapade, au hameau d'Ayrues / au village, à l'Hôtel de la Brèche de Roland
- Luz: hors itinéraire, gîte Auberge des Cascades / Hôtel de Londres (entre autres)
- Grust: gîte d'étape du Soum de l'Aze
- Sazos: gîte d'étape La Maissonnée
- Viscos: Les Marmottes, Hôtel et chambres d'hôtes

Au début, dénommé ''Marathon du Gave de Pau'' (peut-être un poil trop prétentieux), j'ai ''lisé'' le titre.
Dans tous les cas c'est un magnifique périple à profil descendant, mais avec de belles et bonnes grimpettes: All Montain ? Marathon ? Enduro ? libre à vous de le coller dans la catégorie qui vous conviendra, fonction de votre propre sensibilité.
D'un seul trait, redoutable ... en deux étapes, ça reste conséquent.

OBLIGATOIRE LA PREMIERE DEMI-HEURE, autant le répéter ...

Petit rétro-pédalage ... d'après les spécialistes, lors de leur surrection au tertiaire les Pyrénées pouvaient mesurer entre 4.000 et 6.000 mètres d'altitude. Début du quaternaire, - 1,5 millions d'années, déjà fortement rabotées et diminuées par l 'érosion naturelle, les hautes vallées non peuplées sont enfouies sous 1.000 à 2.000 mètres de glace. De gigantesques glaciers érodent, fragmentent, concassent, rabotent les sédiments du secondaire, jusqu'à attaquer le socle primaire constitué principalement de roche-mère granitique.
Au fil des millénaires, ces vallées sont ainsi puissamment modelées en forme de large auge à fond plat. Le charriage de différents matériaux se faisant, d'énormes blocs granitiques sont déplacés de 50 à 120 kilomètres vers le Piémont. La planète se réchauffant (déjà à l'époque !), les épaisses couches de glace fondent, ces blocs erratiques se déposent naturellement sur les flancs et sommets des collines totalement recouvertes d'épais sédiments calcaires (le granit est en ces lieux, en surface géologiquement inexistant).
Ces énormes blocs disséminés (Bergons, Mt de Gez, Béout, col d'Ech, lande de Bartrès) ont été au néolithique (entre – 12.000 et – 8.000) le matériau de base utilisé pour l'érection des nombreux dolmens et tumulus recensés sur les Hautes-Pyrénées (Poueymajou, Peyre- Dusset, pierres levées du col d'Arras et du Cap de la Serre, Balandrau, etc …) du moins sur la partie occidentale Gaves et Adour.
Ce travail d'usure est complété par l'action des gaves. Leur force démultipliée par une forte pente, creuse et profile en ''V'' le fond des vallées, créant d'étroits et long canyons (gorges supérieures du Gave de Pau, de Sia, de Luz).
Plus bas au sortir de ces gorges obscures, le décor s'élargit. Le Gave de Pau coule tranquillement, presque anonyme, son vrai lit étant souvent recouvert de « saligues » (saules), les berges encombrées de galets énormes. D'apparence calme et débonnaire aujourd'hui, il retrouve à tous les coups sa vraie place lors des crues torrentielles, s'affranchissant des moindres aménagements de l'homme.

Tel des « Petits Poucets » sur nos petits vélos, accumulant traces et indices qui matérialisent cette lointaine période, nous arpentons de long en large le paysage. Ecumant fond, bords et rebords de la vallée, joignant l'utile à l'agréable, nous enfilons aussi (et surtout) quelques « perles locales» qu'il aurait été dommage de laisser filer.

Uniquement de juin à octobre, obligation d'attendre que les sommets se soient purgés.

- Descente sur Gavarnie dans le Vallon du Soldat (à partir de la limite aval du Parc National). Longue traversée en single, puis épingles, ressauts et grosses marches. Ce chemin dénommé aussi Chemin Royal d'Espagne fut longtemps le seul axe commercial et d'échange avec l'Aragon. Vue unique sur la Prade, petite plaine typée au pied du cirque, conséquence du sur-creusement du glacier un temps « bloqué » par le verrou Schrader (visible en aval de la Prade).
- Un poil de goudron, puis montée rive droite au plateau de Coumély par la piste forestière de Hount Grane. Situé en plein sous le cône de déjection de l'avalanche du Piméné, les centaines de mètres d'épaisseur de matériaux de la moraine ont été enrichis par l'apport de débris arrachés à la montagne. Le plateau lui, est posé légèrement en dévers sur le bord de la moraine. De l'autre côté de la vallée, presque identique, le plateau du Saugué. Coumély et Saugué, paraît-il, ne faisaient qu'un par le passé. Le Gave de Pau dans son oeuvre, l'a taraudé et creusé pour arriver à séparer l'ensemble et ne plus laisser apparaître que ces deux bouts de plateaux passablement diminués.
- Au bout du plateau, coup d'oeil vers la plaine en aval de Gèdre : on observe à gauche Ayrues, à droite le col de Ripeyre (vestiges caractéristiques d' anciens verrous). Diagonale à gauche, descente sur Gèdre, par le Chemin du Bas ne vous laissera certainement pas indifférent ! Épingles encombrées, marches conséquentes, un vrai régal pour qui souhaite travailler la continuité …
- Goudron par Ayrues, remontée au fond de la vallée de Bué. Connexion sur le GR 10, descente sur le Pont de Balit. Attention, après la passerelle, on traverse un long pierrier. Au bout, un virage sec à droite légèrement déversant. A partir de là, redoubler de prudence, le chemin est pavé à l'ancienne (herrade). Le passage délicat, le long d'une petite paroi est bordé de buis sur la droite du sentier ! Le sentier est ici posé en balcon sur une falaise abrupte de 150 mètres. Quitter le chemin à cet endroit serait fatal. N'hésitez pas à passer à pied sur une trentaine de mètres. Ensuite, ça dégage sec en épingles, marches, gros blocs jusqu'au pont de Buret.
- Courte remontée à Ayrues sur goudron défoncé, juste après la ferme Puyo dégringolade dans le Sarrat de Bent. Dans les buis, le sentier étroit ombragé est très encaissé, succession d'épingles, marches et lames calcaires … sortie dynamique, attention à la barrière verte, une marche énorme vous attend. Traverser le Gave pour rejoindre la départementale.
- 5 km de goudron obligatoire, la vallée ici étroite est très encaissée, jusqu'au pont de Sia.
- Portage d'environ 15 min, sur le GR 10. Belle traversée en balcon rive gauche, à flanc de l'Ardiden, sur les restes de la moraine en léger dévers (jusqu'à Viscos). A la Ferme des Cascades, courte remontée piste vers Grust. Reconnexion GR 10, jusqu'à Sazos. Traversée en dents de scie vers Viscos, jusqu'au contact piste.
- Au Mourou, partir plein nord, dans l'axe de la ligne HT. Traversée « aérienne » en balcon sur les flancs du Viscos (soyez vigilant, n'hésitez pas à poser pied à terre). Les gorges de Luz se déroulent littéralement sous vos pieds. Anticipez, descendez du vélo à la vue des deux ravins que vous passerez à pied. Quelques courtes poussettes, le single étroit est parfois déversant, redoublez de vigilance. Au contact piste, descendre un poil, direction le réservoir pour une nouvelle dégringolade ludique dans le Cassiet de Soulom.
- On attaque la plaine … un poil de « coulée verte », tout à gauche juste avant Adast, jusqu'à St Savin. Re-poil de goudron pour aller chercher des petits passages qui nous mènent en amont d'Argelès. Traversée du « Saillet », puis changement de rive au pont de Tilhos.
- Chemin, piste, sentier puis cap sur Sempastous par une courte rampe goudronnée. Beau et large sentier sur les flancs du Hautacam. Connexion piste descendante, on débouche à Geu. Contournement des Bouchets, coulée verte, berges du Gave jusqu'au terrain de foot de Ger. Finir sur la coulée verte jusqu'au parking de « L'Instant Vert », situé à côté de l'ancienne gare de Lugagnan (Riton, propriétaire du lieu, se fera un plaisir de vous désaltérer et/ou de vous restaurer).